Publié le 20/09/2020
Extrait du Sud-Ouest (Arnaud DEJEANS, a.dejeans@sudouest.fr)
A Cadillac, 4464 patients ont été enterrés au pied de l'hôpital psychiatrique depuis 1922.
Leur nom figure désormais sur les murs et les croix du cimetière.
« Le souvenir, ce n'est pas l’hommage mais l’action. Nous devions remettre toutes ces personnes dans l'histoire », a insisté hier le maire de Cadillac, Jocelyn Doré, lors de l'inauguration des travaux de réhabilitation du cimetière des oubliés. Sous ses pieds : 4500 patients de l'hôpital psychiatrique enterrés, dans l'anonymat le plus total, entre 1922 et 2000. Sans cérémonie, sans cercueil, sans croix.
Parmi ces défunts oubliés par leur famille et le reste de la société, des centaines de mutilés du cerveau qui ont perdu la raison dans les tranchées de la Grande guerre et les autres conflits du XXe siècle.
« Ces hommes sont morts entre les quatre murs de l'hôpital. Ils ont sombré dans la nuit de l'oubli », résume l'historien Yves Le Naour, qui a convaincu le président du Conseil régional Alain Rousset de réhabiliter le cimetière en même temps que la mémoire des « humiliés, des sans-valeur, des pauvres fous qui ont perdu la raison parce qu'ils vivaient dans un monde d'horreur ».
L'historien a évoqué la triste histoire de ce lieu, qui a failli s'évaporer, sans l’intervention des collectivités et de l'association Les Amis du cimetière des oubliés(1) : « C’était l'indignité, plus de noms sur les croix, parfois même plus de croix pour les garder, un projet de parking pour les faire disparaître à jamais parce qu'au fond, ils nous dérangeaient. Ils nous faisaient peur. »
Nouvel espace mémorial
Pour le président de la Région Alain Rousset, « ce cimetière, c'est un bout de l'histoire de la psychiatrie en France ». Une autre époque où les patients mouraient de faim et étaient « torpillés » avec de l'électricité à haute dose.
Un vaste chantier, unique en France, a été lancé il y a deux ans, piloté par l'architecte du patrimoine Delphine Gramaglia : allées redessinées, végétation supprimée, croix réhabilitées, noms en fin gravés dans l'acier. Le public pourra visiter gratuitement pour la première fois cet espace mémorial ce dimanche après-midi, à l'occasion des journées du patrimoine. Un centre d'interprétation va voir le jour l'an prochain.
(l) Les travaux ont coûté 865 000 €. La Région a financé la réhabilitation à hauteur de 70%, l'État 25%, la Ville 5%.